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(...) on peut se servir d'une chose toute faite, qui a été faite mécaniquement ou faite par la main d'un autre homme et se l'approprier(...).

Marcel Duchamp (entretien avec Georges Charbonnier, 06/12/1960, INA).

Seul un petit nombre d'entre nous s'attardent, au milieu des grands agencements de cette société, à leur réaction vraiment puérile, se demandent encore naïvement ce qu'ils font sur le globe et quelle farce leur est jouée. Ceux-là veulent déchiffrer le ciel ou les tableaux, passer derrière ces fonds d'étoiles et de toiles peintes, et comme des mioches cherchant les fentes d'une palissade, tâchent de regarder par les failles de ce monde.

Georges Bataille : "L'art, exercice de la cruauté", œuvres complètes, tome XI.

Rendez-vous, billets doux, humeurs, les mini-messages électroniques remplacent aisément les anciens mots gribouillés sur une feuille de papier et glissés sous le pupitre. Avec une contrainte technique de taille : les SMS ne pouvant contenir plus de 160 caractères chacun, la langue est compressé, tordue, malmenée.

Savez-vous parler SMS ?, SUD OUEST, samedi 15 novembre 2003.

Dans la forêt, j’ai senti que ce n’était pas moi qui regardait la forêt, j’ai senti certains jours que c’étaient les arbres qui me regardaient, qui me parlaient, moi j’étais là, j’écoutais.

Paul Klee.

Les philosophes de l’idée pure, les mystiques du Saint des saints ne pensent la surface que comme un maquillage, un mensonge : ce qui cache l’essence vraie des choses. Apparence contre essence ou semblance contre substance, en somme. On peut penser, au contraire, que la substance décrétée au-delà des surfaces n’est qu’un leurre métaphysique. On peut penser que la surface est ce qui tombe des choses : ce qui en vient directement, ce qui s’en détache, ce qui en procède donc. Et qui s’en détache pour venir traîner à notre rencontre, sous notre regard, comme les lambeaux d’une écorce d’arbre.

Georges Didi-Huberman, Écorces, Les Éditions de minuit, 2011 (p. 68)..

A force d'aller au plus court, nous parlons et écrivons en réduction. Parfois, on s'y prend à plusieurs fois pour tailler dans les mots. Ainsi, après avoir dit d'abord cinématographe, on s'est limité à cinéma, avant de carrément s'en tenir à ciné. Mais la troncation des mots, première forme de leur compression, est ancienne. Vélo au lieu de vélocipède remonte dans le temps. Dans cette contraction du deux-roues, où l'on a enlevé les dernières syllabes, on parle d'apocope, comme pour auto (mobile) devenue auto. A l'inverse, quand la coupure supprime les premières syllabes, comme pour (auto) bus devenu bus, c'est une troncation par aphérèse. La langue fourmille de ces mots qui se sont progressivement rapetissés.

Yves Mary : "Langage court et écriture sans longueurs", LA NOUVELLE REPUBLIQUE.

Le hasard est ma matière première.

Jean Arp.